Des cartes, des jeux, des réseaux sociaux numériques : comment visualiser les relations d’un personnage historique ?

Cerner un personnage du Moyen-Age, son individualité et ses relations, et matérialiser ces connaissances sur le support visuel de son choix. Voilà le travail confié à un groupe d’étudiantes en master d’histoire de l’art qui, pour le mener à bien, ont fait preuve de créativité.

« Dessinez votre arbre généalogique, même imaginaire, sous la forme que vous souhaitez. » C’est avec cette consigne que des étudiantes en master d’histoire de l’art ont commencé leur travail, dans le cadre d’un cours intitulé « Lire les images ». Sans trop de surprise, toutes ont dessiné un traditionnel arbre vertical avec des lignes rassemblant leurs parents, frères ou sœurs… Pourtant, il est bien des façons de représenter les liens qui nous unissent avec d’autres personnes. Le Moyen Age a vu éclore de nombreuses représentations des systèmes de parenté et les images arborées ont fini par l’emporter. Les figures pleines de rinceaux, de feuilles et de racines se sont peu à peu simplifiées. L’informatique ouvre aujourd’hui la voie à de nouvelles représentations en 2D ou en 3D qui permettent l’interactivité : je clique sur un lien, le lien s’ouvre…

Enrichies de ces connaissances, voilà les étudiantes reparties au travail. Cette fois, il s’agissait de combiner ses connaissances en histoire de l’art avec sa créativité pour matérialiser les relations sociales d’un personnage du Moyen-Age. Au choix : Anne de Bretagne, Christine de Pizan, l’abbé Suger et Hildegarde de Bingen. Pour cette dernière, le groupe a par exemple choisi une carte numérique interactive. La moniale a été placée dans une maison surmontée d’une croix et entourée d’un jardin, en référence à son expertise en herboristerie. Plus loin, un quartier rassemble les proches et les collaborateurs avec qui les échanges épistolaires étaient riches, tandis qu’un autre quartier représente les rois et empereurs à qui elle a prodigué des conseil ou fait des demandes. Un autre groupe a créé la page Facebook d’Anne de Bretagne, réseau social très pertinent pour représenter les amitiés mais plus limité quand il s’agit de matérialiser les ennemis ! Les inimitiés sont pourtant elles aussi des relations que l’on tisse. Quant à Christine de Pizan, c’est par un jeu de plateau que ses relations sociales ont pris forme ! L’abbé Suger s’est lui vu doté d’un compte sur le réseau social Instagram, dans lequel les étudiantes ont posté la même image en différentes couleurs, en référence à son travail sur la lumière lors de la reconstruction de l’abbaye de Saint-Denis.

L’objectif de ce travail créatif : « cerner un personnage du Moyen-Age en prenant en compte son réseau », explique Ambre Villain, maîtresse de conférence en histoire de l’art médiéval. L’enseignante rappelle qu’à cette époque, l’humain évoluait dans une société holiste où l’individu n’existe pas en tant que tel mais existe parce qu’il appartient à un groupe : les artisans, les serfs, les clercs etc. « Cet exercice permet de faire des liens avec notre société actuelle : avec les réseaux sociaux on s’insère dans des groupes. Ce sont deux société théoriquement éloignées, mais des choses se rejoignent », souligne l’enseignante. Quant aux étudiantes, elles ont travaillé une compétence qui « sera appréciée dans le contexte professionnel », estime-t-elle : extraire des données d’un corpus et les traduire dans un support différent de sorte qu’elles soient accessibles au public. Un travail de médiation chronophage mais aussi motivant, y compris pour les enseignantes. « C’est une manière d’enseigner plus dynamique qu’un cours magistral habituel », évalue ainsi Ambre Villain. « Et moi-même cela me pousse dans mes retranchements. L’informatique demande des réponses nettes. Cela m’a obligé à me requestionner sur des choses que je pensais acquises. »

Formation : Cours « Lire les arts visuels » du Master 1 en Histoire de l’art et culture matérielle – Nantes Université

Encadrantes pédagogiques : Ambre Villain, Maîtresse de conférences en Histoire de l’Art, et Pascale Kuntz, Professeure en informatique

Apprenantes : 12 étudiantes

Année scolaire 2021-2022